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Deux photographes pour la bataille du rail

Vision radicalement différente, cinquante ans plus tard. Née en 63 à Boulogne-Billancourt, diplômée de l’Ecole Nationale de la Photographie, Edith Roux a photographié tout ce qu’elle pouvait voir des fenêtres de l’Eurostar. Paris-Londres, par le tunnel sous la Manche. Tout ce qu’elle a pu voir dans un bolide lancé à près de 300km/h, toutes vitres hermétiquement closes, climatisé, aseptisé. Une coquille transparente dont le voyageur ne sort qu’à horaire fixe et sans retard. Une machine profilée pour la vitesse d’où la réalité n’est captée que dans le reflet.
Couleurs à travers la vitre, paysages de prairies, de briquettes rouges, de derricks et d’arbres qui paraissent intouchables. Pire qu’irréls, inabordables. Sur ce fond, des ombres – reflets des voyageurs, silhouettes sans consistance. Le corps, avec sa réalité charnelle, palpitante et sensible, est absent. Seule son image s’impressionne sur la vitre, comme le symbole d’une époque où la technologie l’a emporté sur l’humain. Réalité sous cellophane, dont on se demande au fond quelle est la date de péremption.

 

Lise Ott

(extrait d’un article paru dans Le Midi Libre, Montpellier le 15 septembre 1998)